Le quatrième roman de Frédéric Lamoth donne une sensation de noir et blanc dans laquelle on plonge sans s’ennuyer.
Je suis arrivé devant le dernier tableau de l’exposition. Deux visages de femme sur un fond blanc, un drap plissé. Les yeux fermés, côte à côte sur le même plan. Deux femmes qui dormaient dans le même lit et dont le sommeil semblait transformer la réalité en rêve.
Un jour de février, le narrateur, anonyme, professeur d’histoire médiévale à l’université, entre dans une galerie d’art où il découvre des photographies. L’une d’entre elles attire son attention, l’interpelle. Il s’agit de deux femmes assoupies côte à côte, sur un fond blanc. Figées, il émane d’elles à la fois mystère et atemporalité. À la fin de sa journée, le narrateur se réfugie dans un café pour palier à la solitude qui l’attend. Il observe alors deux femmes qui semblent se retrouver après des années et qui font écho à ces deux figures endormies. Il les nomme Diane et Claire.
Tout comme l’impression provoquée par la photographie, rêve et réalité commencent à se mélanger. Le narrateur s’efface pour laisser place à Diane et Claire, les deux princesses endormies. Celles-ci revivent le passé comme dans un songe et dont on ne sait pas très bien s’il est réel ou le fruit de l’imagination de ce narrateur qui disparaît après le premier chapitre. La boucle est bientôt bouclée, puisque c’est l’histoire de la photographie qui nous est racontée et qu’on retrouve dans les derniers chapitres.
Avec, en arrière-plan, les figures de Merlin et de la fée Viviane – Nimuë en gaélique – représentants d’un amour impossible, on assiste à une longue conversation entre les deux femmes qui ne se sont pas vues depuis vingt ans et qui se remémorent leurs souvenirs dans le pensionnat de l’école hôtelière qu’elles ont fréquentée. Ensemble, elles assemblent les pièces du puzzle pour redonner vie, une dernière fois, au passé. Les premières fois, la rencontre avec un jeune homme malade, les relations étranges qui se tissent, les pensionnaires de l’école qui vont et qui viennent, les chemins qui se croisent et qui se séparent…
Sensations, impressions, réflexions… La nuit passe au fil des pages. On se laisse emporter sans le réaliser par l’écriture aux reflets poétiques de Frédéric Lamoth. Une écriture fine, qui suggère et dévoile avec délicatesse, quand bien même le souvenir peut être parfois cru. Le lecteur avance dans l’histoire sans savoir chaque fois qui des deux femmes parle, qui des deux femmes réfléchit. Le flou de la narration vient répondre à ce flou qui entoure par moments les images de la mémoire.
Une histoire d’amour, d’amitié, d’ambiguïté, de liens invisibles qui viennent façonner les destins. L’auteur aborde une flopée de thèmes sans que rien ne paraisse artificiel.
Frédéric Lamoth, Sur fond blanc, Bernard Campiche Editeur, 2013.
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