Parfois il faut prendre les interventions du destin comme des invitations à nous colleter avec nos plus grandes craintes, et même à les surmonter. Nul besoin d’être un génie pour comprendre que, quand les circonstances nous poussent à faire précisément ce qu’on méprise et redoute le plus, on tient peut-être là une opportunité intéressante de progresser.
Il y a quelque temps, nous vous faisions part des aventures d’Elizabeth Gilbert en Italie, Inde et Indonésie. À la fin de l’article, nous avons également mentionné la suite de son roman autobiographique Mange, Prie, Aime intitulée Mes Alliances : histoires d’amour et de mariages. Alors qu’elle et son ami Felipe s’aiment, mais décident de ne pas se marier pour cause de séparations douloureuses avec leurs ex-conjoints, l’immigration américaine s’en mêle et Felipe apprend qu’il ne pourra pas revenir sur le territoire américain à moins d’être marié. Cela provoque un choc plutôt grand chez nos deux tourtereaux qui sont donc bien obligés de convoler. À la suite d’aléas administratifs, ils doivent attendre plusieurs mois et, Felipe ne pouvant se trouver sur le territoire américain, ils voyagent sur le continent asiatique. Elizabeth Gilbert, toujours en quête d’informations et d’expérience (et, par ailleurs, terriblement effrayée à l’idée de se marier), en profite pour interroger les populations locales sur leur attitude face au mariage. Ce faisant, elle se documente dans quantité d’ouvrages sur ce même sujet. Le mariage devient donc ici quelque chose de très terre-à-terre étant donné qu’il « n’est pas simplement une histoire d’amour privée, mais également un contrat social et économique des plus stricts ». Ainsi, nous sommes partagés entre la tristesse et le rire au vu du côté très pragmatique de l’auteure comme lorsqu’elle affirme: « Si vous pensez qu’il est difficile de parler d’argent quand vous êtes béatement amoureux, essayer donc d’en parler plus tard, lorsque vous êtes inconsolables, fou de rage, et que votre amour est mort ». Le mariage est décortiqué dans ce roman comme un fait de société, un contrat et une coutume, et non plus comme un simple geste d’amour de deux personnes amoureuses. De plus, à travers son étude de l’institution maritale, Elizabeth Gilbert observe la position de la femme face à l’homme à travers les siècles et les pays.
Roman autobiographique, Mes Alliances est également particulièrement édifiant et permet de rétablir certains faits parfois oubliés ou même jamais sus. Bien que nous sachions ce que l’auteure pense de tout ce qu’elle écrit, elle sait que ses choix lui appartiennent et ne concernent pas tout le monde. Néanmoins, alors que le mariage devient une institution de moins en moins populaire, on le regarde d’un œil différent à la fermeture de ce roman.
Même si les sauts entre le vécu d’Elizabeth et les histoires qu’elle raconte – que ces dernières sortent des lectures de l’auteure, de l’expérience de ses amis ou des coutumes locales qu’elle découvre – peuvent parfois être trop nombreux. De par son côté très documentaire, le roman peut ennuyer. Cependant, si vous aimez découvrir des faits historiques mélangés à des coutumes locales pas toujours connues, le roman vous plaira. Au vu de la grande quantité d’informations amassée dans ce livre, vous sortirez probablement instruits de quelques renseignements que vous ne connaissiez pas encore. Néanmoins, cette grande quantité de données peut aussi faire que le lecteur, qui voit arriver l’avalanche de faits divers et histoires personnelles sur lui de façon très rapide – le livre ne fait finalement que 384 pages pour un sujet plutôt vaste – ne se rappellera pas de nombreuses précisions après la fermeture du livre.
Le roman est néanmoins intéressant, même si le fil conducteur autobiographique est moins présent que dans Mange, Prie, Aime. Si c’est cela qui vous avait plu dans le premier roman, vous risquez d’être déçus. Le tout pourrait même vous sembler déconstruit. De plus, Elizabeth, peut-être parce que le sujet lui tient trop à cœur, est particulièrement énergique et presque hyperactive. Elle visite, fait connaissance, voyage dans tous les pays et villages imaginables, sans nous laisser la chance de souffler un peu. Cela fatigue le pauvre Felipe, mais aussi le lecteur.
Le roman est différent de Mange, Prie, Aime et la quête de son moi personnel se mue en quête de vérité sur l’institution du mariage qui, l’auteure l’espère, la réconciliera avec ce dernier avant le Grand Jour. La plume d’Elizabeth Gilbert reste néanmoins très aiguisée, à l’instar de son premier roman autobiographique, et nous ne pouvons nous empêcher de sourire à maintes reprises face aux situations qu’elle décrit et à l’autodérision dont elle sait faire preuve. Bien qu’elle ait pu parfois nous fatiguer durant les pages de ce roman, l’écrivaine est une personne attachante et nous assistons au dévouement dont elle et Felipe font preuve l’un envers l’autre tout au long du récit. Nous ne pouvons que nous réjouir pour les deux amants lors des dernières pages du roman.
Finalement – et notamment grâce à l’écriture fluide – le lecteur lit ce roman sans prise de tête, malgré le côté documentaire de l’histoire ainsi que celui, hyperactif, de l’auteure.
Elizabeth Gilbert. Mes Alliances: histoires d’amour et de mariages. Le Livre de Poche. 2012.
Acheter le livre:
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.