Je préfère remonter à pied les Champs-Elysées un soir de printemps. Ils n’existent plus vraiment aujourd’hui, mais, la nuit, ils font encore illusion. Peut-être sur les Champs-Elysées entendrai-je ta voix m’appeler par mon prénom…
La narration du roman se divise entre plusieurs personnages. Ces narrateurs, chacun leur tour, construisent le portrait de Louki, de son vrai nom Jacqueline Delanque. Cette jeune femme, qui s’est mariée tôt, a rapidement quitté son mari et est partie vivre dans la capitale. Elle flâne dans un Paris des années 1950 ou 1960 et, au gré de rencontres, les souvenirs affluent. L’histoire se construit à travers les yeux des autres personnages. Comme Louki, on se souvient également, a-t-on l’impression, de son enfance, de son mariage, de ses amitiés. Un café du quartier de l’Odéon, le Condé, est le théâtre où Louki et d’autres jeunes évoluent. Ce café, qui n’existe plus aujourd’hui est celui de la jeunesse perdue. Où sont passés ses clients? Et Louki, où est-elle? L’histoire, teintée d’une aura de passé, nous fait suspecter que ce qui est dit n’est plus, mais c’est aux dernières pages seulement que nous découvrons la vérité.
Véritable puzzle à plusieurs voix, ce roman laisse un sentiment de nostalgie et d’une douce mélancolie après sa fermeture, sentiment qui se laissait déjà deviner dans le titre. Répétitions, personnages qui se cherchent et qui donnent l’impression d’avoir besoin d’être rassurés: le Condé accueille une jeunesse perdue éprise de liberté, mais noyée par son cœur agité. Peu est dit sur l’un ou sur l’autre, mais quelque chose de profond uni ces intellectuels, écrivains, étudiants… Comme une carte postale datant des années 50-60, l’histoire et ses personnages nous font penser aux cafés où s’asseyait la Génération Perdue et aux personnes réelles qui ont arpenté les pavés de Paris à cette époque-là.
Une écriture envoutante, sincère et apaisante caractérise ce roman et rappelle les autres œuvres de l’auteur. Dans le café de la jeunesse perdue, qui se lit rapidement, peut être une belle introduction aux ouvrages de Patrick Modiano, prix Nobel de la Littérature 2014, si vous ne connaissez pas encore cet auteur.
Patrick Modiano. Dans le café de la jeunesse perdue. Folio. 2009
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