J’étais encore une toute petite fille, sachant à peine ce qu’est la vie, lorsque ma mère m’apprit qu’elle m’avait promise à Dieu et que je devais l’aimer plus que moi-même et plus que tout être au monde. Elle m’assura qu’il n’y avait pas de meilleur façon de connaître le bonheur sur terre. Je sus immédiatement que je n’étais pas de force à lutter contre elle ni contre Lui. Je devais donc me plier à leur volonté et faire mon possible pour leur plaire.
À une période indéterminée, un(e) convalescent(e) – étant pour cela au couvent de V. – trouve une lourde enveloppe dans la cellule qu’il (elle) occupe. L’enveloppe contient une longue lettre, datée du 14 juillet 1870 et adressée à la supérieure du couvent. Il s’agit de la confession d’une jeune femme, Marie Vigilance. Commence alors le récit d’une enfance dépouillée d’agréments : Marie, promise à Dieu par sa mère – veuve, est élevée entre rigueur, austérité et dévotion, dans l’optique de s’élever et de devenir une parfaite religieuse. Mais plus les années passent, plus le manque d’amour maternel lui pèse, tout comme la solitude, le manque d’insouciance, de joies ainsi que de jeux, et ce destin tout tracé. Elle ne se sent pas de vocation religieuse et, alors que ses sens s’éveillent, cherche une échappatoire et un accès à la liberté.
Le roman est très court et se lit vite, c’est presque une nouvelle. La côté morne de l’existence de Marie, qui forge son caractère et sa façon de penser, est très bien traduit sur le papier. On a l’impression que les mots s’éclairent avec la visite de Pauline, une cousine, et reprennent leurs couleurs ternes quand elle s’en va. Irène Schavelzon a la plume sûre et juste ; elle croque avec brio la complexité des ressentis et des rapports humains. On est troublé pendant la lecture et ce trouble subsiste encore une fois le livre refermé. L’écriture de l’auteur a ce pouvoir de vous emporter derrière les murs de la maison bourgeoise des Vigilance, dans l’intériorité de Marie, et de laisser une empreinte dans votre esprit.
Le tableau de Heinrich Maria von Hess (La Marcheza Plorenzi), bien qu’il soit le portrait la marquise Marianna Florenzi, dont la vie diffère complètement de celle contée par Marie, est une illustration parfaite pour ce personnage : une jeune femme au regard à la fois charmeur, espiègle et impassible, dont on ne saurait déceler les véritables pensées.
Irène Schavelzon, Confession de Marie Vigilance, Actes Sud, 1990.
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