Alors qu’il soigne un blessé, Albert reçoit une lettre.
Face à son visage livide, un infirmier s’inquiète.
Ma femme est enceinte, soupire-t-il enfin.
Les mois suivants, il tente de revenir à Berlin le plus souvent possible.
Mais la plupart du temps, Franziska est seule avec son ventre.
Elle se promène le long du couloir, et parle déjà à son enfant.
Tellement pressée de mettre un terme à sa solitude.
La délivrance à lieu le 16 avril 1917.
C’est l’apparition d’une héroïne.
Mais aussi d’un bébé qui pleure sans cesse.
Comme si elle n’acceptait pas sa naissance.
Charlotte Salomon, génie artistique, est morte à vingt-six ans à Auschwitz, enceinte de son premier enfant. Dans ce roman où se mêlent fiction et réalité, David Foenkinos retrace le destin tragique de la jeune femme, de son enfance à Berlin jusqu’à son exil en France, lieu qui sera le théâtre de son arrestation en 1943. Déchirures familiales, rejet progressif de la société sous l’impulsion des nazis, amour passionné, fuite, mort omniprésente… On découvre page après page le portrait de Charlotte, qui a laissé derrière elle Vie ? ou Théâtre ?, une œuvre autobiographique singulière. On découvre également une fascination ; celle d’un auteur pour une artiste. Il marche dans ses pas afin de retracer le fil de son existence.
Où est la vie ?
Où est le théâtre ?
Qui peut connaître la vérité ?
Charlotte est presque une déclaration d’amour. Par certains aspects, c’est un beau roman. Par d’autres, non. Tout d’abord, ce qui nous saute aux yeux dès l’ouverture du livre, c’est que l’auteur revient à la ligne constamment. On ne comprend pas. Y a t’il une volonté poétique derrière cela ? David Foenkinos fait-il des vers libres, de la poésie en prose, pour donner une dimension plus profonde à l’héroïne de ses lignes ? Il explique lui-même son intention :
J’ai tenté d’écrire ce livre tant de fois.
Mais comment ?
Devais-je romancer son histoire ?
Quelle forme mon obsession devait-elle prendre ?
Je commençais, j’essayais, puis j’abandonnais.
Je n’arrivais pas à écrire deux phrases de suite.
Je me sentais à l’arrêt à chaque point.
Impossible d’avancer.
C’était une sensation physique, une oppression.
J’éprouvais la nécessité d’aller à la ligne pour respirer.Alors j’ai compris qu’il fallait l’écrire ainsi.
On se permet d’être assez peu convaincu par l’explication.
D’une part, là où le bât blesse le plus, c’est que cette forme semble surfaite. On a du mal à trouver la poésie dans les mots, dans des phrases parfois vides. Le roman est donc beau par certains aspects, certes, mais c’est plus par la gravité du propos que par la qualité de la plume de l’auteur – qui a tout de même parfois de jolies tournures. Les émotions sont effleurées, la tension est dite, mais ne se ressent pas plus que cela. D’autre part, David Foenkinos en fait beaucoup. Il ne cesse de crier son obsession. Le fait de vouloir s’approprier tout bonnement Charlotte a un effet dérangeant, une sensation de partage inabouti. On découvre, on goûte à la vie de l’artiste, mais l’auteur vient sans cesse rappeler sa présence, nous rappeler que lui aussi est là, au milieu des murmures. Cette présence de l’auteur, de ses aspirations personnelles, de ses prises de possession, sont pénibles.
En marchant sur ses pas, sur ses traces, il en fait sa Charlotte et c’est pour lui un plaisir de le rappeler en interrompant le récit pour venir s’y immiscer.
Je ne suis donc pas le seul à chercher Charlotte.
Nous formons une secte éparses.
Des adeptes épuisés que Michel sauve.
Je n’arrive pas à savoir si cela me rassure ou m’insupporte.
Comment s’appelle-t-il, ce confrère ?
Michel ne s’en souvient pas.
A-t-il seulement existé ?
Je voudrais connaître tous ceux qui aiment Charlotte.
On a envie de demander : de quel droit ?
Au final, il fait de cette lecture, une lecture légère, et c’est bien cela qui est dommage. Le personnage de Charlotte se révèle parfois creux, sans substance. Alors oui, il y a des moments où le roman bouleverse, où on entre dans la vie de l’héroïne, mais d’autres où il fatigue. Rendons néanmoins une chose à l’auteur : il aura réussi à faire connaître Charlotte et à faire qu’on s’y intéresse. À lire sans trop d’attentes.
David Foenkinos, Charlotte, Gallimard, 2014.
Katia Da Costa Issakova liked this on Facebook.