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La malédiction du bandit moustachu : Une trahison qui coûte cher

Écrit par: JS - nov.• 22•14

L’homme à la longue moustache a déjà distribué une grande partie de sa nouvelle fortune aux paysans démunis, mais il lui reste une ou deux caisses toutes pleines d’or et de bijoux de grande valeur, Gheorghe le sait, car il a tout de même bien fait ses calculs. À dos du seul cheval que son père lui a laissé avant de partir, il conduit l’homme dans sa maison, puis dans la cuisine, puis dans la cave, à travers une trappe, en l’assurant que personne ne saura qu’il est caché là et qu’il peut ainsi se reposer autant qu’il lui plaît. Il lui promet aussi de revenir dans moins d’une heure avec de la nourriture. Seulement Gheorghe n’est pas un homme de parole ! Certes le bandit moustachu peut se reposer, mais ni eau ni victuailles n’arrivent ! […] Trois jours plus tard il meurt enfin, en maudissant Gheorghe Marinescu et toute sa descendance jusqu’en l’an deux mille.

La malédiction du bandit moustachu

La malédiction du bandit moustachu est une histoire de malédiction, de cupidité, de famille, d’amour, d’égoïsme, de peine, de religion, de superstition, de vie, de mort. C’est l’histoire d’une famille maudite jusqu’en l’an deux mille à cause de la mauvaise action de Gheorghe Marinescu au début du vingtième siècle. Ce dernier rencontre un bandit moustachu – Robin des bois de l’Est – chez le barbier. Ils se lient d’une amitié intéressée qui finit mal, puisque le petit-bourgeois force le bandit à lui révéler sa planque avant de le laisser mourir.

On suit alors, par le biais d’épisodes relativement courts, la descendance de Gheorghe, les conséquences de sa folie, mais aussi les tentatives pour rompre la malédiction… jusqu’à ce qu’elle soit oubliée. La fatalité traverse le récit. Rien ne semble pouvoir changer les choses ; rien ne semble réussir à faire en sorte que la descendance de Gheorghe Marinescu soit saine.

C’est vrai qu’ils sont étranges dans cette famille, il y a les très méchants, mais alors quand ils sont bons, ils sont comme du miel… Puis il y a les fous aussi, il n’y a qu’à passer dans le village voir monsieur Guigui assis sur son banc depuis une éternité, et j’ai entendu que l’autre, la Gina, elle est toquée aussi, c’est pas pour rien qu’elle est allée se cacher à la ville.

Les Marinescu sont hauts en couleur : certains sont doux, d’autres au contraire, sont mauvais, dégénérés, pervers, certains finissent alcooliques, fous ou meurent violemment. Les personnages défilent avec un caractère parfois dérangeant. Toutefois, le tragique vire plus au grotesque et le style plutôt jovial de l’écriture fait que la tonalité de l’histoire semble presque légère. Une légèreté qui n’est qu’apparence, puisqu’une véritable tension dramatique se dégage.

Plusieurs voix se mêlent, s’entremêlent. Mais on ne s’égare pour autant pas dans ce désordre et on suit avec intérêt – sans se lasser – l’épopée des Marinescu. Malgré le flou temporel et spatial, on a des indices du lieu de l’action et des différentes époques par le biais d’allusions, de quelques dates et d’ancrages historiques, comme les deux Guerres ou la montée du communisme. En somme, le roman donne un sentiment d’atemporalité et fait figure de métaphore, ayant presque les couleurs de la légende, du conte.

À la fois drôle, dramatique et loufoque, il est difficile de classer ce premier roman d’Irina Teodorescu dans une catégorie. Le style est aussi surprenant que prenant. Ça part parfois dans tous les sens, mais ça colle parfaitement dans le roman. À mots découverts et aiguisés, l’auteur brosse le portrait d’une famille bourgeoise, derrière lequel se dessine le tableau de la lutte des classes (il faut garder le sang propre. […] nous avons le sang bleu et eux, ils ont le sang sale !). Derrière le rire suscité par moments, point un sentiment de malaise : la porte est ouverte sur la noirceur de certaines âmes humaines.

On lit néanmoins ce récit avec empressement et les cent cinquante-quatre pages filent à toute allure. Un premier roman réussi !

Irina Teodorescu, La malédiction du bandit moustachu, Gaïa Editions, 2014.


 

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