Aux films des pages

A la découverte des fictions

Crois-moi, je mens : L’espoir exploité

Écrit par: JS - juin• 21•14

Violette connaissait par cœur le visage d’Antonio, ses oreilles très collées, son long nez légèrement épaté, le grain de sa peau un peu grossier, sa nuque et ses épaules massives. Il lui était arrivé de ne plus bouger une heure durant, après certains messages, pour préserver la sensation cotonneuse créée par des mots qui faisaient émerger un monde verdoyant, chaleureux, inouï, la plage de Paul et de Virginie. Les mirages de l’amour fouettaient son cerveau à peine sorti de l’ère glaciaire.

De nos jours, il suffit d’un simple petit clic pour faire de nouvelles rencontres, quelques tapotages sur un clavier et hop ! En avant la discussion. Des inconnus à la pelle se trouvent à portée de doigts, se profilent sur les écrans grâce aux réseaux sociaux. Le contact est facile… le mensonge aussi. Duper devient un exercice accessible à tous, il suffit d’un simple petit clic.

C’est cet exercice dangereux qui est analysé par la plume habile et bien renseignée de Nadine Richon.

Violette, soixante ans, et Catherine, quarante-neuf ans, sont deux femmes solitaires à leur manière. L’une est divorcée et vit seule en Belgique, l’autre est une genevoise mariée et mère de famille. Elles ne se connaissent pas, mais partagent une chose : un amour virtuel via Facebook. Très différentes, leurs routes vont pourtant se croiser par écrans interposés. En effet, leurs idylles relèvent uniquement du virtuel, elles sont toutes les deux manipulées par un même jeune homme : Jordan, vingt-quatre ans, originaire du Ghana et vivant en Malaisie, guettant sur la Toile des femmes crédules auxquelles soutirer de l’argent.

Illusions, tromperies… Crois-moi, je mens est un roman sur les arnaques amoureuses très bien ficelé, mettant en exergue les mirages et dangers possibles de la société actuelle, questionnant la part du vrai et du faux. Même si l’on se doute dès le départ que l’amoureux virtuel transi n’est qu’un leurre, la lecture se fait sans ennui et avec facilité. Les personnalités de Violette, de Catherine et des autres personnages, sont bien dissociées à travers l’écriture. Chacun a sa voix et suit sa voie. On y a le point de vue non seulement des femmes trompées, mais également des hommes trompeurs qui ont, eux aussi, des rêves et des désirs. À la croisée des chapitres, on découvre aussi ceux dont l’image est volée, exploitée, qui ne se doutent pas qu’ils contribuent à duper des femmes solitaires en quête du prince charmant.

Nadine Richon, Crois-moi, je mens, Bernard Campiche, 2014.


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